Janvier 2023
La réserve naturelle régionale (RNR) des mardelles de Prémery (58) est un site naturel forestier s’étendant sur 252,5 hectares abritant une tourbière et un important réseau de mares forestières plus ou moins tourbeuses qui est gérée par l’Office National des Forêts. Cette réserve a de forts enjeux faunistiques, notamment herpétologiques et odonatologiques, et a souhaité, dans le cadre de son plan de gestion, améliorer la connaissance des coléoptères aquatiques. L’objectif était double : mieux connaître ce groupe sur la réserve et voir si ce dernier est pertinent en tant qu’indicateur dans le cadre du suivi des mardelles.
Les coléoptères aquatiques regroupent l’ensemble des coléoptères aux mœurs aquatiques. C’est à dire que ce groupe n’est pas cohérent génétiquement: c’est ce que l’on appel un groupe fonctionnel (comme les coléoptères saproxyliques ou les coléoptères coprophages par exemple). Les coléoptères aquatiques offrent une diversité d’espèces particulièrement remarquable. En France, on connaît 662 espèces réparties en 22 familles. Ils sont une part importante de la biodiversité des zones humides. Selon les sources, ils représenteraient jusqu’à 21% de la faune des invertébrés aquatiques.
Notre inventaire s’est basé sur la méthode de l’ICOCAM : Indicateur Composite des Coléoptères Aquatiques des Mares. Ce protocole a deux avantages : il est standardisé dans sa méthode d’échantillonnage et dans la présentation de son résultat.
Dans un premier temps, l’écologue en charge du relevé, analyse la mare : taille, forme, profondeur, embroussaillement, etc. Il estime notamment la superficie des habitats qui composent la mare: eau libre, joncs, radeaux de végétation, etc. À partir de cette estimation, il prospecte de manière chronométrée l’ensemble de ces habitats en fonction de leur représentativité dans la pièce d’eau, puis prospecte plus longuement l’interface eau-terre (qui abrite potentiellement le plus grand nombre d’individus et d’espèces). La matière ainsi collectée via un troubleau ou une petite passoire, est ensuite déposée sur un tamis et les coléoptères collectés apparaissent au fur et à mesure. Quelques espèces sont déterminables sur le terrain, notées et relâchées, mais la majorité demande une observation précise en laboratoire voir une dissection et sont donc prélevés. L’inventaire est répété au printemps et à l’automne.
En plus de ce protocole, des données issues d’une étude sur les tritons, par nasse, ont enrichi la connaissance des coléoptères aquatiques de la réserve.
Les mardelles de Prémery avaient déjà fait l’objet d’études bénévoles : en 2012, 19 espèces ont été inventoriées de manière opportuniste et en 2018, 22 espèces ont été inventoriées par le biais du protocole ICOCAM. Au final, 33 espèces étaient déjà connue de la réserve.
Les inventaires de 2022 ont permis d’observer 23 espèces, dont 13 n’avaient pas encore été noté sur le site, faisant monter la richesse spécifique (nombre d’espèces) de la réserve à 46 espèces. Au cours de nos relevés, nous n’avons pas observé un nombre important d’espèces par mare, la richesse spécifique allant de 13 à seulement 2 espèces. Mais le calcul de l’indice nous montre que beaucoup de ces mares ont un fort taux de «spécialisation des communautés ». En effet, ces mares forestières para-tourbeuses abritent des cortèges d’espèces spécialistes liés aux détritus végétaux, à la richesse en végétation ou encore aux eaux acides et au caractère tourbeux des mares. Ces espèces fragiles ont trouvé dans la réserve un habitat essentiel à leur développement. Même si nous ne disposons pas d’un recul suffisant sur les coléoptères aquatiques sur notre territoire, certaines espèces peuvent quand même êtres considérées comme rare et les mardelles de Prémery sont actuellement une des seule station connue pour certaines de ces espèces en Bourgogne. La présence d’espèces sténoèces (spécialisées) et d’espèces « rares » illustre le rôle important de la réserve pour les coléoptères aquatiques.
Malheureusement, certaines espèces observées en 2012 n’ont pas été retrouvées en 2018 ou en 2022. Certaines de ces espèces n’ont peut-être pas été re-observer simplement par malchance, mais certaines étant aussi considérées comme spécialistes et donc exigeantes sur leur habitat, ont semble-t-il disparu de la réserve. Ce déclin est potentiellement lié aux changement climatique global qui affecte aussi la réserve : les mares subissent des sécheresses de plus en plus précoces et de plus en plus longues. Ce stress hydrique sur le site ne peut qu’avoir un effet négatif sur le long terme sur les cortèges d’espèces aquatiques. Un suivi des coléoptères dans le temps nous permettra donc de mieux suivre et évaluer l’impact de la crise climatique sur la réserve et ses habitats à enjeux.
Vous voulez nous aider à améliorer la connaissance des coléoptères aquatiques en Bourgogne? Participez à l’enquête sur les Dytiques et les gros coléoptères aquatiques.